Pourquoi pas ?

Les évidences s’étiolent et s’obscurcissent dès lors que l’on a l’audace de les contester : elles apparaissent alors comme des préjugés.

Puisque nous pouvons nier l’indéniable et douter de l’indubitable, nous prouvons par là même leur caractère illusoire.  Ainsi s’opèrent les renversements de mentalité qui rendent possibles les changements sociaux. On a longtemps tenu le divorce, l’avortement, la liberté sexuelle pour impossibles ; mais il s’avère que ces évidences n’étaient que des barrières conventionnelles : nous les avons renversées ; l’impossible est devenu possible !

Notre liberté s’expérimente par les faits : en dépassant les limites, nous les révélons comme ce qu’elles ont toujours été, de pures représentations contingentes.

Ainsi le ‘mariage’ des homosexuels, l’euthanasie vont-ils bientôt être une nouvelle victoire de la liberté en acte. Les réticences morales les plus fermes n’apparaîtront bientôt que comme l’attachement absurde de quelques réactionnaires à des conventions prises pour des réalités objectives.

Le maître mot de la liberté est cette petite question insolente : « pourquoi pas ? ». La réponse est comprise dans la question : si cela est possible réellement, il n’y a pas de raison de s’y opposer. Le fait est toujours éloquent par lui-même. Si deux personnes du même sexe peuvent s’engager à vivre ensemble durablement, pourquoi le refuser ? Si la technologie leur permet d’avoir des enfants pourquoi le refuser ? Le refus apparaît ici comme une dénégation de la réalité … or il est impossible de dire que ce qui se pratique ne se pratique pas !

Le seul discours sensé est donc celui qui décrit ce qui est. La règle de toute action est la transgression. 

Ainsi le débat est-il invalidé à sa source : la justification du droit par le fait, de la valeur par le comportement  annule toute possibilité de prendre au sérieux le questionnement sur la limite.

Mais qui ne voit que nous sommes en présence de la négation de tout discours ?

L’éthique du pourquoi pas est l’éthique de la preuve par les faits : elle se déploie dans le mutisme violent du fait accompli.